L’huile d’olive à la COP22
« L’huile d’olive à la COP22 : cet or liquide qui contribue à la réduction des émissions de gaz à effet de serre »
En avant-première de sa présentation à la COP22 le 16 novembre prochain, Francesco Serafini, le responsable du service Environnement du COI nous présente les résultats des calculs issus d’une application informatique sur l’effet puits de carbone d’une oliveraie.
Par Alain Chauveau, expert en RSE, Prospective et développement durable, pour CULTURE & OLIVE & OLIO NUOVO DAY(S).
Francesco Serafini est depuis 1996 Directeur du Département Recherche Environnement du Conseil Oléicole International (COI). Il organise les groupes de travail sur l’oléiculture et l’environnement.
AC : Pour commencer, pouvez-vous nous présenter le COI, son historique, son rôle, ses missions, son mode de fonctionnement ?
Francesco Serafini : Le COI, Conseil Oléicole International est le seul organisme international au monde qui soit consacré à l’huile d’olive et aux olives de table. Il a été institué à Madrid (Espagne) en 1959 sous les auspices des Nations Unies. Le Conseil contribue de manière décisive au développement responsable et durable de l’oléiculture et constitue un forum mondial de discussion au sein duquel sont débattues toutes les questions concernant les politiques à adopter et les défis présents et futurs à relever. À cet effet, il veille à :
• favoriser la coopération technique internationale dans le cadre de projets de recherche et de développement et d’activités de formation et de transfert des technologies ;
• encourager l’expansion du commerce international de l’huile d’olive et des olives de table, mettre au point et actualiser des normes commerciales applicables aux produits oléicoles et améliorer la qualité ;
• étudier l’impact de l’oléiculture et de l’industrie oléicole sur l’environnement ;
• promouvoir la consommation de l’huile d’olive et des olives de table grâce à des plans d’action et à des campagnes modernes de promotion
• diffuser des informations et des statistiques claires et précises sur le marché mondial de l’huile d’olive et des olives de table
• permettre aux représentants des gouvernements et aux experts de se rencontrer régulièrement pour aborder les problèmes du secteur et pour fixer les priorités d’action du COI
• travailler en étroite collaboration avec le secteur privé
Parmi ses membres actuels se trouvent les principaux pays producteurs et exportateurs mondiaux d’huile d’olive et d’olives de table. Les pays producteurs membres du COI contribuent en effet à 98 % de la production mondiale d’olives. Ils sont concentrés principalement dans la région méditerranéenne.
Le COI œuvre pour le développement intégré et durable de l’oléiculture et veille à ce que cet engagement se traduise par un progrès tangible pour ses pays membres, mais surtout pour toutes les personnes qui tirent leur revenu quotidien des produits de l’olivier.
AC : Les calculs du COI tendent à démontrer un effet « puits de carbone » de l’olivier… Pouvez-vous nous rappeler ce que signifie cet effet et quels sont les liens avec le changement climatique ?
Francesco Serafini : Que signifie « effet de puits de carbone » ? Lorsque l’on parle de changement climatique, un puits est défini comme tout processus, activité ou mécanisme qui extraie les gaz à effet de serre (GES) de l’atmosphère. Parmi ces gaz figure le CO2, dont la concentration a augmenté de manière exponentielle au cours de ces dernières et qui est le principal responsable du réchauffement global.
Les systèmes végétaux ont la capacité d’absorber ce composé de l’atmosphère et de le stocker dans leur matériel végétal sous forme de carbone. Toutefois, les cultures ligneuses (comme l’olivier) ont, par rapport aux cultures annuelles, un pouvoir très supérieur de captation et de stockage du CO2, sous forme de carbone dans la matière organique.
Les activités destinées à augmenter les puits végétaux contribuent donc à atténuer le changement climatique à moyen terme car la durée de rétention du carbone dans ces systèmes est élevée. Celle-ci varie selon le parcours de cet élément dans son cycle de retour à l’atmosphère, entre quelques mois (par exemple les feuilles) et plusieurs décennies, siècles… voire millénaires (pour une matière organique stable comme la tourbe par exemple). Il est donc possible d’atténuer le changement climatique à moyen terme grâce à des activités destinées à augmenter les puits végétaux compte tenu de la durée de rétention du carbone dans ces systèmes.
L’olivier peut être cultivé dans des conditions climatiques pratiquement extrêmes, où peu d’autres cultures ligneuses parviennent à survivre. 70 % des oliveraies mondiales sont conduites en régime pluvial, c’est-à-dire sans apport d’eau d’irrigation et uniquement grâce aux eaux de pluie. Dans certaines régions de la Méditerranée notamment, l’olivier est largement cultivé dans les zones semi-arides recevant à peine 200 mm de précipitations par an et constitue une source essentielle de subsistance pour de nombreuses populations. On notera qu’on ne trouve pas de massifs forestiers en milieu méditerranéen dans les zones caractérisées par une pluviométrie inférieure à 400 mm par an, car ces régions sont recouvertes de maquis d’arbustes et/ou de steppes d’espèces ligneuses basses et d’herbacées.
L’Institut de Recerca I Tecnología Agroalimentaries (IRTA ; www.irta.es
L’olivier est donc utile pour développer les stratégies d’atténuation proposées à la COP21, comme par exemple l’initiative 4 pour 1000, car il permet d’augmenter le stockage de carbone dans le sol (http://4p1000.org/). C’est la raison pour laquelle dans de nombreuses zones rurales, l’olivier est une culture ligneuse irremplaçable.
AC : Quel a été le rôle du COI dans la démonstration de l’effet puits de carbone de l’olivier ?
Francesco Serafini : Lorsque nous parlons d’empreinte carbone, nous faisons référence au bilan des émissions de tous les gaz à effet de serre (GES), exprimées en unités de masse d’équivalent CO2, tout au long du cycle de vie d’un produit, par unité déclarée. Différentes études scientifiques ont démontré que l’oléiculture avait des effets positifs sur l’environnement (biodiversité, amélioration des sols, barrière à la désertification, etc.) et que l’adoption de pratiques agronomiques adéquates permettait d’augmenter la capacité de fixation du CO2 de l’atmosphère dans les structures végétatives permanentes (la biomasse) et dans le terrain.
Plus simplement, selon des études publiées jusqu’à présent, si le fait de produire un litre d’huile d’olive (vierge ou extra-vierge) donne lieu à l’émission dans l’atmosphère de 1,5 kg de CO2-eq de moyenne tout au long du cycle de vie du produit, l’adoption de pratiques agronomiques pertinentes permet à l’olivier de fixer dans le sol une quantité de 10 t CO2/ha/an (dans une oliveraie adulte semi intensive avec un rendement agronomique moyen) avec une évidente balance positive.
Il est aujourd’hui possible de démontrer qu’en adoptant des pratiques agronomiques adéquates, l’effet puits de carbone (c’est-à-dire de séquestration de CO2) de l’olivier (dans la biomasse et dans le terrain) est très supérieur aux émissions de GES pour produire une unité (un litre d’huile d’olive vierge).
A cet effet, le COI a mis au point une application informatique qui permet de calculer l’effet puits de carbone d’une oliveraie. Ce travail a commencé en 2012 et l’application informatique a vu le jour en 2015. Lors de sa première réunion, le 18 mai 2012, le groupe de travail constitué à cet effet, a souligné l’importance, aussi bien du point de vue technique que politique, d’intégrer le bilan carbone dans la phase agricole dans l’empreinte carbone de l’huile d’olive.
Le groupe de travail a alors décidé d’étudier des exemples génériques sur l’influence de cette intégration sur le bilan carbone d’un litre d’huile. Les méthodologies de calcul du bilan carbone déjà disponibles ont ainsi été complétées au moyen des principes de calcul (paramètres et leur influence) et des données de référence disponibles.
Pour la mise au point de cette sous-méthodologie ou recommandation de calcul, le groupe de travail du COI a suivi les inventaires (IPPCC – Intergovernamental Panel on Climate Change) et les modalités de communication B2B (business-to-business) et B2C (business-to-consumer).
Pour atteindre ce dernier objectif, il s’est avéré nécessaire de travailler sur la modification des PCR « huile d’olive » disponibles. C’était la seule façon de permettre que, dans la communication de l’empreinte carbone de l’huile, soit considéré le bilan carbone dans la phase agricole calculée selon les recommandations du COI. Il est donc fondamental d’obtenir que la règle de catégorie de produit permette de déclarer l’effet puits de carbone de l’olivier, ce qui jusqu’à présent n’était pas possible.
Au fil des autres réunions convoquées durant ces trois dernières années, une application informatique a finalement pu être mise au point pour le bilan de la CO2 en oléiculture. Cette application peut être utilisée par tout agriculteur, depuis n’importe quelle partie du monde, pour évaluer son bilan carbone. Cette application es disponible dans le site web du COI : http://carbonbalance.internationaloliveoil.org/fr
AC : Quel est le plan d’action du COI concernant cet effet puits de carbone de l’olivier ?
Francesco Serafini : La participation du COI à la COP22 est une opportunité unique pour montrer au monde entier que produire de l’huile d’olive (vierge ou vierge extra) avec l’adoption de pratiques agronomiques adéquates permet de contribuer à la réduction de l’effet de serre. Il est important de garder à l’esprit qu’il ne s’agit pas ici de l’impact positif – logique – de l’olivier sur l’environnement mais bien de l’impact positif de la production d’huile d’olive vierge ou vierge extra, ce qui rend ce produit unique par rapport à la plupart des autres huiles végétales. D’après les Déclarations Environnementales de produit de l’huile d’olive et d’autres études publiées, pour produire un litre d’huile d’olive (vierge ou vierge extra), l’émission moyenne dans l’atmosphère de CO2-eq est de 1,5 kg. Au moyen de calculs mathématiques et des résultats de la bibliographie scientifique citée plus haut, ou grâce à une application comme celle proposée par le COI (www.internationaloliveoilcouncil.org), il est possible d’estimer que chaque litre d’huile d’olive produite à partir des olives d’une oliveraie adulte de type semi-intensif de rendement agronomique moyen, le potentiel de fixation de CO2 dans le sol de l’oliveraie est de 11,5 kg de CO2.
Cela permet d’affirmer que pour chaque litre d’huile d’olive, l’oliveraie fixe 10 kg de CO2 dans le sol, c’est-à-dire que le système de production de l’huile d’olive favorise la lutte contre le réchauffement climatique en absorbant de l’atmosphère et en fixant dans le sol plus de CO2 qu’il n’en produit.
Le CONSEIL OLEICOLE INTERNATIONAL(COI) à la COP 22 de Marrakech
Le COI participera à la COP22, du 7 au 18 novembre 2016, à Marrakech (Maroc). La COP (Conférence des Parties) est une conférence annuelle organisée sous les auspices des Nations Unies sur le changement climatique. La 22e édition de cette Conférence (COP22) sera consacrée à l’atténuation des effets du changement climatique et à l’innovation en matière d’adaptation au changement. À cette occasion, le COI, représenté par Francesco Serafini, présentera une conférence intitulée « L’huile d’olive : l’or liquide qui contribue à la réduction des émissions de gaz à effet de serre», le 16 novembre de 9 h a 10 h 30 dans la zone verte réservée aux Side Events (salle Loukkos). Le COI présentera des résultats qui démontrent qu’en adoptant des pratiques agronomiques adéquates, l’effet puits de carbone de l’olivier (dans la biomasse et dans le terrain) est très supérieur aux émissions de gaz à effet de serre pour produire une unité (un litre) d’huile d’olive vierge ou vierge extra.
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Les consommateurs européens veulent plus de transparence pour les produits écologiques Récemment, l’UE a mené une enquête sur la consommation des produits écologiques au niveau européen. Cette enquête a permis d’interroger 25 568 personnes de différentes catégories sociales et démographiques, dans les 28 États membres de l’Union européenne. Cette enquête (http://europa.eu/rapid/press-release_IP-13-653_fr.htm) montre notamment que : • Plus de 75 % des personnes interrogées seraient disposées à payer un prix plus élevé pour des produits respectueux de l’environnement si elles avaient la certitude que ces produits sont véritablement écologiques. Toutefois, à peine plus de la moitié des citoyens de l’Union européenne (55 %) estiment être informés quant à l’impact sur l’environnement des produits qu’ils achètent et consomment. |